Léontine Zanta

Histoire oubliée de la première docteure française en philosophie

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Monographie

  • Pages : 93
  • Collection : Logiques sociales
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  • Support : Document imprimé
  • Langues : Français
  • Édition : Originale
  • Ville : Paris
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  • ISBN : 978-2-343-22883-9
  • URL : Lien externe
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  • Date de création : 21-06-2023
  • Dernière mise à jour : 21-06-2023

Résumé

Français

Léontine Zanta (1878-1942) est la première femme française à soutenir une thèse de doctorat d’État en philosophie, en 1914, devant la faculté des lettres de Paris, à la Sorbonne. L’objet de ce livre, préfacé par Geneviève Fraisse, est de retracer la biographie intellectuelle de cette pionnière, afin d’expliquer l’occultation dans la mémoire de celle qui fut aussi la première femme philosophe française publiquement respectée et reconnue pour ce statut. L’enquête s’appuie sur des sources secondaires de références en histoire des femmes et du féminisme, en histoire de l’éducation, en histoire de la philosophie, mais aussi sur les écrits de Léontine Zanta (articles, conférences, entretiens, romans), ainsi que sur une série de sources philosophiques, journalistiques et biographiques.

La première partie de l’ouvrage revient sur « La formation d’une philosophe », sur le parcours initial non conventionnel de Léontine Zanta, décrite comme « terriblement frondeuse et passionnée ». Zanta est issue d’une famille alsacienne profondément catholique, patriote, bien insérée dans les milieux littéraires et universitaires. Son père est agrégé de grammaire, et prend en charge très tôt son éducation, selon des normes masculines : Léontine naît en effet peu après le décès d’un fils. Son père lui enseigne en particulier le grec et le latin, absents des lycées de jeunes filles mais nécessaires à l’obtention du baccalauréat. C’est aussi par son intermédiaire qu’elle entre en contact avec le philosophe spiritualiste Gabriel Séailles, qui lui accorde son patronage. Elle obtient la licence en 1898, en suivant des cours de Séailles, Victor Brochard, Émile Boutroux et Henri Bergson. C’est au cours de ses études qu’elle devient bergsonienne, suivant en particulier son spiritualisme, restaurant l’âme contre la pensée scientifique.

La deuxième partie s’intitule « Le doctorat de philosophie pour une femme ». Elle revient tout d’abord sur les 16 années qui séparent l’obtention de la licence de la soutenance de thèse, à 42 ans passés. Zanta exerce alors comme professeure libre, en particulier au sein de l’école privée appelée la Mutualité de Maintenon (qu’elle dirige après 1912) ; si elle reste célibataire, elle est chargée de famille, hébergeant après 1900 la fille de sa sœur ainsi que ses six enfants. Pendant cette période, elle approfondit les recherches qui mèneront à sa thèse, sur le christianisme et ses liens avec le stoïcisme - la thèse secondaire étant une étude de la traduction du Manuel d’Épictète par André de Rivaudeau au XVIe siècle. Elle s’intéresse avant tout à la place de la rationalité dans la religion et aux racines du fait religieux : ce qu’elle veut, c’est montrer que le christianisme repose aussi sur la Raison, qu’il est une alliance entre Raison et sentiment. La soutenance a lieu devant Fortunat Strowski, Lucien Lévy-Bruhl, Victor Delbos, François Picavet et Gabriel Séailles, et attire un public nombreux, ainsi que l’attention des médias, dans un moment de communion nationaliste ; la thèse reçoit un prix de l’Académie française. Mais Léontine Zanta n’obtient pas de poste universitaire pour autant. Elle s’engage alors dans le mouvement féministe, écrivant des articles et donnant des conférences sur les droits des femmes, revendiquant le droit de vote et leur place dans les carrières professionnelles (ce qui passe par l’unification des programmes des enseignements féminins et masculins).

La troisième partie, « Femmes et philosophie, conciliation impossible », revient plus précisément sur cette activité de conférencière et de journaliste. Léontine Zanta s’implique en particulier dans les médias catholiques où elle commente l’actualité, le féminisme, la politique, la publication de livres philosophiques et féministes. Elle publie aussi des romans, dont les deux premiers, pessimistes, mettent en scène des protagonistes étudiantes en philosophie. Sa pensée connaît un profond tournant dans les années 1920, qui la voit développer des positions de plus en plus conservatrices, dans un moment de polarisation politique croissante au sein des mouvements féministes et de la société française en général. Elle défend à partir de 1922 un « féminisme d’adaptation », défini comme défense du droit des femmes ne rompant pas avec l’ordre social existant, et faisant de la famille un principe sacré, contre un « féminisme de combat » qu’elle rejette, incluant mouvements révolutionnaires mais aussi républicains (comme le féminisme de Cécile Brunschvicg). Ses positions se font progressivement de plus en plus agressives envers les féminismes non catholiques et envers celles et ceux qui prônent l’émancipation des femmes du système familial. Elle en vient même dans la seconde partie des années 1920 à rejeter l’existence même d’un enseignement public de philosophie pour les femmes, et même pour toute personne, puisqu’elle estime qu’il ne peut qu’être ennemi du catholicisme. À partir de 1931 l’Action française elle-même s’empare de la pensée de Léontine Zanta, devenue figure d’extrême droite, en valorisant les ouvrages pour attirer les femmes dans l’organisation. Lorsqu’elle décède en 1942, elle est saluée par la presse pétainiste : après la victoire de 1945, plus personne ne parle de cette première femme française docteure en philosophie politique, ses choix politiques annulant ses premiers succès. L’ouvrage se clôt sur une chronologie de la vie de Léontine Zanta et une bibliographie sélective.

P. V.