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Pour Marc Bolch !

L’Histoire est une science sociale

Monographie

Pour Marc Bolch !

L’Histoire est une science sociale


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  • Pages : 203
  • Support : Document imprimé
  • Format : 13 x 20 cm
  • Langue : Français
  • ISBN : 978-2-38519-149-8
URL :
  • Date de création : 04/12/2025
  • Dernière mise à jour : 04/12/2025
Introduction :
  • Bibliographies : 191-200
  • Remerciements : 201
  • Table des matières : 202-203

Résumé 

Français

L’ouvrage de Christophe Pébarthe, enseignant-chercheur en histoire ancienne à l’Université Bordeaux Montaigne, est un texte d’intervention en épistémologie de l’histoire. Il s’agit d’un essai vif de 203 pages. La préface souligne la nécessité de répondre à une double actualité (« Présentation du témoin. Ceci est de l’histoire ! », p. 7-17) : d’abord la vogue d’un certain relativisme dans les sciences sociales, à l’heure de la post-vérité ; ensuite la panthéonisation du grand historien Marc Bloch (16 juin 2026). La thèse est la suivante : Marc Bloch a défendu le lien de la discipline histoire à la sociologie, plus particulièrement durkheimienne, lien avec lequel il faut renouer pour valoriser une perspective constructiviste non relativiste en histoire. Trois temps marquent la démonstration (« Introduction. Marc Boch cet 
inconnu ? » : p. 19-34) : la rencontre de Bloch avec la sociologie durkheimienne (chap. 1) ; l’invisibilisation de la position de Bloch dans une école des Annales en grande partie reprise en main et façonnée par Lucien Febvre chez qui la géographie sert d’ancrage aux études historiques (chap. 2) ; une réflexion sur le bénéfice que l’historien peut tirer de sa fréquentation des travaux de Marc Bloch (chap. 3). Le premier chapitre (« Entre ici, Marc Bloch ! », p. 35-76) montre comment le grand historien hérite des débats sur l’écriture de l’histoire après la Révolution française. Selon Christophe Pébarthe, les modèles libéraux (Thierry, Guizot), populaires (Michelet) ou socialistes (Marx) font montre d’une incapacité à véritablement cerner les contours de ce nouveau sujet collectif, nouvel objet d’histoire, qu’est la société. C’est chez Fustel de Coulanges, d’abord, puis Durkheim, ensuite, que les frontières se précisent pour Bloch.  Avec Durkheim, en particulier, la question du social fait son introduction plus massivement dans l’entendement historien : comment une société est-elle société ? Qu’est-ce qui fait tenir ou au contraire détruit ce qui est premier, à savoir une totalité sociale faite de liens sociaux ? L’histoire, pour Bloch, reprend, en l’inscrivant dans le temps, ce questionnaire sociologique. Marc Bloch est ainsi sur la même ligne qu’un François Simiand, disciple de Durkheim, qui appelle à en finir avec trois idoles de l’histoire dominante (avec notamment l’Introduction aux études historiques de Langlois et Seignobos de 1898) : « la politique comme structure fondamentale ; l’individu comme objet ; la chronologie qui conduit à se focaliser sur l’origine » (p. 75). Pourquoi cette volonté de lier le rôle de l’historien à l’enquête sur l’unité du social s’est-elle effacée dans la réception de Marc Bloch ? Le deuxième chapitre répond à cette question (« Qui ne ment pas ? Le social ou la terre ? », p. 77-122). Si Marc Bloch fonde en 1929 avec Lucien Febvre la revue des Annales et dans le même geste l’école du même nom, ce moment glorieux de l’historiographie française masque des options méthodologiques bien distinctes chez l’un et l’autre historien. Christophe Pébarthe rappelle que « Lucien Febvre est conduit par son intérêt prononcé pour la géographie à privilégier la terre. Seul Marc Bloch défend l’histoire comme science sociale au sens durkheimien du terme » (p. 82). Lucien Febvre se méfie particulièrement du langage de la classe, et au social il préfère le langage du milieu, celui du géographe Vidal de la Blache. En 1931, Marc Bloch fait paraître La Société féodale dans lequel, au contraire, il invite à « tenir compte des différentes classes sociales dont l’étude fait apparaître les contradictions » (p. 113). Ces années cruciales de l’entre-deux-guerres voient donc se jouer un débat philosophique et épistémologique de taille sur les objets et les manières de les aborder que doivent privilégier les historiens. La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II de Braudel (1949), après la mort tragique de Marc Bloch à la fin de la guerre alors qu’il dirigeait un important réseau de résistance (il est fusillé par la Gestapo le 16 juin 1944), s’impose comme le modèle méthodologique des Annales. Il revient au dernier chapitre de l’ouvrage d’interroger cette double mort de Bloch : mort physique, certes, mais aussi mort intellectuelle du fait de l’oubli de la leçon qu’il a voulu transmettre, en particulier dans son livre posthume Apologie pour l’histoire (1949). Le dernier chapitre (« Méditations blochiennes », p. 123-165), dans le sillage de Bourdieu, met en avant l’importance de la réflexivité en sciences sociales, soumise à la double exigence d’une historicisation des catégories mobilisées et d’une sociologisation des points de vue, les deux allant de pair. Lire Bloch, affirme Pébarthe, c’est comprendre le lien qu’il faisait entre histoire et sociologie, une sociologie durkheimienne qui engageait une philosophie du métier d’historien adossée à une ontologie du social : l’histoire-problème loin d’être un simple slogan implique une confrontation à la pluralité des sociétés humaines et au pluralisme des points de vue engagé à chaque époque pour définir ce qu’il en est de la société et de son unité. Une telle lecture doit beaucoup aux travaux de Florence Hulak (Sociétés et mentalités. La science historique de Marc Bloch, Hermann, 2012, ainsi que L’histoire libérale de la modernité. Race, nation, classe, PUF, 2023). Le primat de l’unité compris comme problème fait de la question du lien social un fonds commun de l’enquête historienne, sans écraser l’unité ni dans une survalorisation de l’individu, ni, à l’inverse, dans une survalorisation d’une totalité qui ne ferait plus de place aux sujets pris dans l’histoire. Ainsi entre les trois grands gestes de l’histoire tels que les a convoqués le XIXe siècle, geste libéral, national et sociologique, Bloch a pris son parti pour Durkheim. Aujourd’hui Pébarthe prend le sien pour Bloch, comme le rappelle la conclusion de l’ouvrage (« Examen de conscience d’un historien », p. 167-189).

V. B.

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