Cet ouvrage est issu d’une thèse de doctorat en philosophie soutenue
en 2015 à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne sous la direction de
Christiane Chauviré. Il vise à fournir une histoire enrichie de l’empirisme
logique en apportant un certain nombre d’éclaircissements sur ses rapports à la
politique socialiste de son temps. Le premier chapitre porte sur le projet
réformiste du Cercle de Vienne (l’austromarxisme), son contexte historique de
formation (la montée du nazisme) et les raisons de son devenir apolitique aux
États-Unis dans le contexte de la guerre froide. Le deuxième chapitre présente
la version neurathienne de l’empirisme logique (le physicalisme) et le modèle
participatif de la connaissance qui lui est associé (l’encyclopédisme). Le chapitre
3 porte sur la philosophie du langage d’Otto Neurath et développe la thèse centrale
de l’ouvrage selon laquelle la valeur politique de son empirisme logique s’est
incarnée à travers deux efforts conjoints. Le premier effort, associé au
physicalisme, a consisté à démocratiser la connaissance en fondant la
transmission des contenus sur la clarté du langage utilisé et la quantification
des informations véhiculées. Le second effort, à visée socialiste, a consisté à
développer une ingénierie sociale techniquement fondée sur la construction d’un
système de communication visuel, la méthode Isotype. Les chapitres 4 et 5
permettent dès lors de comprendre comment Neurath a cherché à appliquer de
façon pragmatique les principes de l’empirisme logique à la démocratisation de
l’éducation et de l’économie. Son projet d’économie socialiste consiste à
utiliser les statistiques pour améliorer la productivité et ainsi prouver la
supériorité productive et l’efficacité technique d’une économie centrale
planifiée, dont la grande vertu est de neutraliser le gaspillage d’une partie
des forces productives entretenu par le fonctionnement d’un système économique
libéral (en particulier dans des phénomènes comme la publicité, l’obsolescence
programmée ou encore la mode). Le modèle socialiste prôné par Neurath se
caractérise ainsi d’une part par une économie en nature fondée sur la
valeur d’usage « qui substitue l’utilité au profit comme critère de
décision économique » (p. 120), d’autre part par une organisation
tayloriste du travail orientée vers « une production rationnelle
optimisée » (p. 127). Caractérisée enfin par « la créativité et la souplesse »
(p. 130), l’économie socialiste est adossée à une ingénierie sociale qui
intègre la pensée utopique aux sciences humaines afin d’accorder aux utopies le
statut de « constructions d’ingénieurs sociaux » (p. 132). –
Bibliographie, p. 141-157 ; Index des personnes, p. 159-160 ; Table
des matières, p. 161-162 ; Figures extraites de Otto Neurath, International
Picture Language, Londres, Kegan Paul, 1936, p. 163-174.
F. F.