[Texte remanié de : Thèse de doctorat, sous la direction d’Antonia Soulez : Philosophie : 2 vol. : Université Paris 8 : 2001 : 542 p.]. – Comment peut-on transformer un ensemble de données chiffrées en un ensemble d’informations visuelles, c’est-à-dire des quantités abstraites en des formes pictographiques concrètes qui font sens et véhiculent une connaissance sur l’état du monde social ? Dans les années 1920, le polymathe Otto Neurath (1882-1945), davantage connu pour avoir été un des leaders du Cercle de Vienne, participe au programme muséographique du Musée de la Société et de l’Économie de la capitale autrichienne (Gesellschafts- und Wirtschaftsmuseum). Dans ce contexte, il conçoit avec Marie Reidemeister (avec qui il se mariera en 1941) la statistique en image (Bildstatistik) grâce à l’invention du système de notation visuel nommé ISOTYPE (International System Of TYpographic Picture Education). Neurath et son équipe se tournent vers le monde ouvrier en s’appuyant sur les sciences sociales et les doctrines socialistes. Ils élaborent des techniques de visualisation appropriées des faits économiques et sociaux. Neurath, comme le montre Denis Lelarge, est un « publiciste », un homme attaché à la chose publique, à l’organisation collective, à la diffusion et à la réception d’idées, ainsi qu’à l’efficacité de l’action. Il s’agit de promouvoir une pédagogie par l’image en utilisant l’illustration comme moyen par lequel transmettre des connaissances. C’est au ‘‘Salon de la Santé, de la Protection Sociale et du Sport’’, plus connu sous l’acronyme GeSoLei (GEsundheitspflege, SOziale Fürsorge und LEIbesübungen), qui se tient à Düsseldorf du 8 mai au 15 octobre 1926, que Neurath découvre les gravures de l’artiste Gerd Arntz (1900-1988). Ces dernières retiennent son attention et deviennent la source d’inspiration des moyens pictographiques destinés à concrétiser les éléments symboliques du système ISOTYPE. L’enjeu est de viser un public populaire qu’il s’agit d’éduquer sur des questions sociales qui vont de l’hygiène au fonctionnement de l’économie, grâce à un langage composé de signes graphiques non verbaux. Ce système symbolique forme le support d’une « raison » qui n’est plus seulement « graphique », mais aussi « visuelle ». Il permet la construction de diagrammes qui rendent visibles l’invisible et l’indicible. Ces diagrammes participent ainsi à un mouvement de démocratisation de la connaissance, à travers l’élaboration d’une encyclopédie sociale accessible à tous. – Préface de Gerhard Heinzmann, p. 7-10 ; « Trois textes d’Otto Neurath et une affiche », p. 309-320 ; « La vie d’Otto Neurath », p. 321-324 ; « Quelques dates pour permettre de situer l’œuvre d’Otto Neurath (1882-1945) dans son époque », p. 325-333 ; Bibliographies, p. 335-354 ; Index nominum, p. 335-360 ; Table des matières, p. 361-363.
F. F.