Alain Berthoz poursuit les recherches entreprises dans son précédant ouvrage paru en 2009 intitulé La Simplexité. La vicariance, comme la simplexité, est liée à des situations problématiques d’origine vitale. Elle désigne en effet un concept de résolution de problèmes, qui permet de penser tantôt la tension entre la singularité incidente d’une solution nouvelle face à un problème déjà connu ; tantôt celle entre la position d’un problème original face à une batterie de solutions dont on dispose déjà. Or un problème se pose dès qu’une conduite finalisée rencontre un obstacle à sa réalisation. Dès lors, un comportement vicariant consiste à créer une solution nouvelle (plus élégante et plus efficace) pour la résolution d’un problème déjà connu ; ou à faire usage de la solution d’un problème pour en résoudre un autre. Mais les acceptions de ce concept sont multiples : on le trouve utilisé en biologie (vicariance alvéolaire), en paléontologie (vicariance biogéographique), en psychologie (vicariance fonctionnelle), en linguistique (conjonction de coordination dite « vicariante ») ou encore en éthologie (vicariance liée à la notion d’Umwelt). En empruntant de nombreux exemples tirés des expériences menées au sein des neurosciences modernes (en particulier en neurophysiologie) et de la recherche interdisciplinaire (psychologie, ingénierie, informatique et robotique) la première partie de l’ouvrage (chapitres 1 à 4) présente un certain nombre de formes de vicariance fonctionnelle (gestuelle, prothétique, perceptive, etc.) et montre en quoi la vicariance renvoie fondamentalement à un jeu de substitutions entre des stratégies liées à l’accomplissement de certains actes. Dans cette mesure, la vicariance est créatrice de scénarios dans des mondes possibles et constitue ainsi un trait d’union entre le passé remémoré et l’avenir simulé. Dès lors, en questionnant la notion d’avatar (i.e. celle de personnage virtuel) dans le cadre du couplage homme-machine, l’auteur est conduit à présenter une nouvelle forme de vicariance (la vicariance que l’on peut qualifier de « robotique ») fondée sur la relation entre les géométries de deux espaces (l’espace moteur et l’espace de l’action). Ce qui l’amène à exposer les bases neurales de cette forme de vicariance fondée sur le changement de référentiel spatial. La seconde partie de l’ouvrage (chapitres 5 et 6) présente les facteurs périphériques (motivation, intérêt, attention, plaisir et expérience) paramétrant la plasticité cérébrale, et donc conditionnant la vicariance fonctionnelle dans le cerveau. Elle permet ainsi de faire la transition entre les processus vicariants à l’œuvre dans la vie individuelle (première partie) et ceux à l’œuvre dans la vie sociale (troisième partie). L’hypothèse de l’auteur dans la troisième partie étant que l’émotion est un puissant agent de vicariance, il examine deux formes subjectives de la connaissance : la sympathie et l’empathie (chapitres 7 et 8). Enfin, dans une quatrième et dernière partie il présente les théories – celles de Maurice Reuchlin, Lev Vygotski, Albert Bandura et Antoine de La Garanderie – qui explorent les rapports entre apprentissage et vicariance. – Prologue, p. 7-9 ; Introduction : « Les enjeux », p. 11-19 ; Première partie : « L’acte vicariant » ; Deuxième partie : « Ontogenèse et plasticité » ;
Troisième partie : « Vicariance et partage des émotions »; Quatrième partie : « Les apprentissages vicariants » ;
Épilogue : « Le cerveau créateur de mondes », p. 181-203 ; Notes, p. 205-227 ; Index, p. 229-232 ; Remerciements, p. 233 ; Table des matières, p. 235-238.
F. F.