Faisant suite au Cantique des Quantiques (La Découverte, 1984 ; réédition La Découverte/Poche n°48, 2007), ouvrage de vulgarisation qui présentait la première révolution quantique, c’est-à-dire les idées au fondement des théories dont il est aussi question dans cet ouvrage–, Métaphysique quantique s’attache à présenter les expériences d’une seconde révolution, celle ayant trait aux applications technologiques – pour certaines actuelles, pour d’autres encore à venir – de quelques concepts issus de cette physique étrange et contre-intuitive qui ne cesse encore de bouleverser notre représentation du monde et de la réalité. Ces concepts sont ceux de non-localité (dans le cas de la téléportation quantique), de mondes multiples (dans le cas de l’ordinateur quantique) ou encore d’une possible intervention dans le passé (dans le cas de la « gomme quantique »). Le premier chapitre (chap. 1 : « Les fantômes de matière ») présente la propriété quantique de superposition d’états (de position, vitesse, spin, polarisation, etc.) des particules de lumière et de matière : « tout objet quantique, qu’il soit photon, électron, proton, neutron, voire atome ou molécule peut très bien emprunter deux chemins à la fois » (p. 21). Cette propriété remet en question les deux grands modèles de représentation des objets hérités de la physique classique : ceux du corpuscule et de l’onde. Si les entités quantiques peuvent faire l’objet d’une superposition d’états, comment peuvent-elles alors être décrites ? Le second chapitre répond à cette question (chap. 2 : « Les oiseaux-poissons »). En effet, à partir du moment où l’on reconnaît le principe de complémentarité énoncé par Bohr (1927) selon lequel les aspects ondulatoire et corpusculaire des entités quantiques sont complémentaires, on comprend que l’aspect sous lequel elles se manifestent dépend du type d’expérience auquel elles sont soumises. Autrement dit : la théorie quantique montre que « les constituants ultimes de l’univers ne sont pas réductibles aux métaphores classiques » (p. 42) de la bille (corpuscule) et de la vague (onde). Or même s’ils n'y sont pas réductibles, une réduction s’opère, qui est l’objet du troisième chapitre : la réduction de la fonction d’onde (chap. 3 : « La décohérence du chat »). Cette réduction est conséquente à la mesure de la position d’une particule : la fonction d’onde (dite de Schrödinger) étant celle qui permet de décrire la probabilité de présence d’une particule dans un domaine qui lui est attribué. Dès lors, il nous est montré que cette réduction est assimilable à un effet de décohérence produit par l’instrument de mesure (principe d’indétermination de Heisenberg) qui empêche les objets quantiques de persister dans une superposition d’états. À ce stade, deux positions peuvent alors être adoptées : soit affirmer qu’il n’y a qu’une réalité en vertu d’un principe d’unicité (Omnès) ; soit soutenir que l’univers est scindé en deux réalités parallèles (interprétation d’Everett-Graham-DeWitt). Cette hypothèse des mondes multiples fait l’objet du quatrième chapitre, qui en retrace l’histoire récente, d’Everett à Deutsch en passant par Graham et DeWitt (chap. 4 : « Univers parallèles »). Le cinquième chapitre (chap. 5 : « L’espace existe-il ? ») présente dans un premier temps les expériences récentes – effectuées par Aspect en France, Zeilinger en Autriche et Gisin en Suisse – sur différents types de particules (photons, protons, atomes ionisés), qui ont révélé une propriété des entités quantiques dans le phénomène de l’intrication, à savoir la « non-localité », faisant disparaître la notion de séparation spatiale et advenir celle de variable cachée non-locale : « tout se passe comme si la première mesure effectuée fixe instantanément la valeur que l’on va trouver pour le second photon » (p. 85). Dans un second temps, il s’agit d’exposer les principes de la téléportation quantique (des expériences ont en effet été réalisées plusieurs fois par Zeilinger), dans la mesure où elle a été rendue possible par la propriété de non-localité des entités quantiques révélée précédemment : la téléportation d’un électron C, par exemple, fondée sur l’intrication de deux électrons A et B, consiste à faire en sorte que le spin (mouvement de rotation d’un électron sur lui-même) de B devienne identique à celui de C, en appariant C et A. Or la position d’un électron étant identifiable à un point pris au hasard sur une sphère de Bloch (système de coordonnées tridimensionnel que l’on peut se représenter comme une balle), on obtient l’unité d’information quantique au fondement de l’ordinateur quantique – le qubit – puisque mathématiquement, il peut être représenté par la géométrie de la surface d’une sphère de Bloch, et parce que physiquement, « il correspond à certains objets quantiques : dans l’état actuel de la technique, des photons et des atomes ionisés. » (p. 96) Enfin dans le sixième et dernier chapitre, les auteurs décrivent l’expérience imaginée au début des années 1980 par les physiciens Kaï Drühl et Marlan O. Scully et réalisée en 2000 au moyen d’un dispositif expérimental complexe comprenant des convertisseurs et des séparateurs. Elle consiste à rétroagir sur des photons signaux en insérant sur les trajets des photons passifs des séparateurs : « (...) comme on les insère, la moitié des photons signaux oublie son chemin premier et, dans le passé, en emprunte un autre (…) Ainsi a-t-on pu modifier l’histoire des photons ; le futur a changé le récit que l’on fait du passé. » (p. 109) La conclusion provisoire à laquelle nous conduit cet ouvrage, c’est que la physique quantique nous contraint à devoir reconnaître que le réel comprend deux mondes différents (micro et macroscopiques) dont la science arrive à rendre compte, mais dont l’entendement humain n’arrive pas encore à comprendre la loi de passage menant de l’un à l’autre. – Annexe 1 : « L’expérience d’Afshar : peut-on tromper le principe de complémentarité ? », p. 121-125 ; Annexe 2 : « Le théorème du libre arbitre », p. 125-136 ; Bibliographie, p. 137-139 ; Table des matières, p. 141-142.
F. F.