Ce livre part d’un double constat concernant notre modernité : d’une part la complexification toujours plus croissante de toutes les dimensions du monde dans lequel nous vivons (économique, politique, scientifique, sociale, etc.), d’autre part la dissimulation de sa réelle complexité par la mise en œuvre de méthodes de simplification, qui en facilitent la maîtrise. Ce double constat nous donne d’emblée les termes du problème central posé dans l’ouvrage : comment affronter la complexité de notre environnement social, matériel et même virtuel sans risquer de s’y perdre, mais sans pour autant avoir systématiquement recours aux méthodes de simplification, qui, bien qu’elles permettent de la maîtriser, en dissimulent fatalement la réalité ? « Le refus de se perdre dans la complexité est une attitude, une posture intellectuelle qui ouvre à un réexamen... » (p. 26). Pour l’auteur, une solution à ce problème n’implique pas, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la constitution d’une théorie de la complexité, mais celle d’une théorie de la simplexité, dont le modèle provient de l’évolution des organismes vivants. « L’originalité du vivant est précisément d’avoir trouvé des solutions qui résolvent le problème de la complexité par des mécanismes qui ne sont pas simples, mais simplexes. » (p. 12) Le concept de simplexité, dont l’auteur propose une analyse approfondie tout au long de l’ouvrage, se distingue de la simplicité, mais ne s’oppose pas à la complexité, puisqu’il permet d’en penser l’intégration dans un détour élégant, rapide et efficace : la solution simplexe. En ce sens, une solution simplexe résout toujours un problème complexe de façon active et dynamique. « La simplexité exige beaucoup. Elle demande innovation, invention, détour fécond, sélection, prise en compte du passé ou encore anticipation des conséquences de l’action future. » (p. 214) Dans un premier grand moment, après avoir présenté les propriétés du vivant qui fournissent des modèles d'instruments de simplexité, l’auteur expose les six principes provisoires d’une théorie de la simplexité, avant de donner des exemples de processus simplexes impliqués dans la perception et l’action : à savoir le regard et l’attention (Partie I : « N’oublie pas d’oser »). Dans un deuxième moment, après avoir exposé les principes simplificateurs impliqués dans l’organisation de la motricité, l’auteur analyse deux grands types de mouvements simplexes : le geste et la marche
(Partie II : « Marcher sur la Lune »). Il peut dès lors mettre au jour la centralité du rôle de l’espace dans le phénomène de la simplexité : en montrant d’abord « comment la spatialisation des fonctions de la perception et de l’action, de la mémoire et de la décision diminue la complexité » (p. 157) pour engendrer de la simplexité ; ensuite en revenant sur les fondements de la géométrie, de sorte à pouvoir soutenir la thèse d’un fondement spatial de la pensée rationnelle (Partie III : « Les espaces de la pensée »). Ce livre, conjuguant spéculations philosophiques, hypothèses théoriques et preuves scientifiques, nous donne ainsi des outils intellectuels devant nous permettre de mieux comprendre et maîtriser la complexité qui nous entoure.
F. F.