Identity and Indiscernibility in Quantum Mechanics

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Monographie

Résumé

Français

Le développement de la physique quantique a ébranlé certaines des hypothèses métaphysiques clés sur lesquelles reposent à la fois notre compréhension philosophique du monde et le sens commun contemporain. Dans cet ouvrage, Tomasz Bigaj pose les bases d’une nouvelle métaphysique des objets fondamentaux, issue de la théorie quantique. Il procède en établissant des faits physiques élémentaires, se rapportant au problème de l’identité, et en analysant leur interprétation physique et philosophique. En particulier, il étudie la relation entre trois concepts ontologiques fondamentaux : l’individualité, la discernabilité et l’identité. Cet examen est renseigné par l’analyse systématique (formelle et philosophique) et la comparaison de deux méthodes rivales d’individuation des particules quantiques composant des systèmes plus vastes. Le problème central concerne les objets fondamentaux décrits en mécanique quantique, et soulève la question de la possibilité ou non de les individuer et de faire référence à l’un et non à l’autre, à l’aide de leurs propriétés physiques. Il s’agit donc d’une triple question : comment pouvons-nous parvenir à segmenter la réalité en entités distinctes de différents types, qu’est-ce que l’identité et la distinction numériques (notion inscrite dans un cadre logique, à distinguer de l’identité qualitative) et quelle relation y a-t-il avec la possession de propriétés et de relations qualitativement différenciantes ? Le livre est organisé en huit chapitres. Les chapitres 1 à 6 sont consacrés à la présentation générale de deux conceptions alternatives de l’appareil mathématique utilisé en théorie quantique, l’orthodoxie (chapitres 1 à 3) et l’hétérodoxie (chapitres 5 et 6). Ces dernières donnent lieu à deux conclusions métaphysiques distinctes concernant les caractéristiques fondamentales des objets quantiques, leurs identités et individualités. L’approche orthodoxe traite de certaines parties du formalisme mathématique, à savoir les indices attachés aux facteurs individuels dans les produits tensoriels d’espaces de Hilbert, comme se référant aux composants individuels du système composite considéré (hypothèse de factorisation). Pour l’approche hétérodoxe, en revanche, la tâche d’individualiser les composants d’un système composite n’est pas effectuée par les indices, qui ne sont dotés d’aucune signification physique particulière, et qui ne servent qu’à identifier des copies identiques d’espaces de Hilbert dans le formalisme mathématique. Elle est effectuée par des projecteurs symétriques, ayant un sens physique particulier : celui de propriétés permettant de distinguer des sous-systèmes individuels. Le chapitre 4 fait le lien entre les deux approches différentes de l’individuation, en discutant la logique et la métaphysique de la discernabilité dans un cadre standard de théorie des modèles. Enfin, le chapitre 7 présente les avantages et les inconvénients des deux approches développées précédemment, là où le chapitre 8 donne un aperçu du caractère non-classique et spécifique de la nouvelle métaphysique issue de l’hétérodoxie. L’introduction de ce livre (chapitre 1) et le deuxième chapitre se veulent avant tout un bref aperçu des bases du formalisme quantique nécessaires à la compréhension des débats sur le problème de l’identité et de l’individualité. Étant donné que les particules de même type (appelées particules indistinguables dans la terminologie philosophique) possèdent exactement les mêmes caractéristiques identifiantes, telles que la masse, la charge électrique et, en général, toutes leurs propriétés état-indépendantes, la théorie quantique pose le postulat physique suivant, appelé postulat d’indistinguabilité (PI) : les états à plusieurs particules de même type qui ne diffèrent que par la permutation de ces particules ne devraient pas pouvoir être empiriquement distinguables (chapitre 2). Ce postulat donne lieu, dans l’approche orthodoxe, à deux conditions de symétrie sur le formalisme de la mécanique quantique : les seuls états disponibles pour les systèmes à plusieurs particules de même type sont symétriques ou antisymétriques (postulat de symétrisation PS) (chapitre 3), et seules les observables symétriques sont admissibles comme représentations de propriétés physiques. Ceci conduit à une divergence avec la pratique courante de la mécanique quantique par les physiciens. Premièrement, lorsqu’ils ont affaire à un petit nombre de particules de même type, ils ignorent généralement PS et utilisent des états ni symétriques ni antisymétriques. Deuxièmement, si l’observable A représente la propriété [A] pour un système bipartite de deux particules indistinguables, des arguments inductifs reposant sur l’hypothèse de factorisation suggèrent que les observables A⊗I et I⊗A représentent la propriété [A] pour chaque particule individuelle, et pourtant ces opérateurs ne sont pas symétriques. Le postulat physique et les conditions formelles susmentionnées, en supposant l’hypothèse de factorisation, conduisent à une proposition métaphysique, la thèse d’indiscernabilité (TI) : les particules de même type sont non seulement empiriquement indistinguables, mais elles sont également entièrement indiscernables (concept analysé formellement au chapitre 4) en ce qui concerne toutes leurs propriétés. Cette conclusion remet en cause le principe de Leibniz (PII), selon lequel la distinction numérique et la discernabilité qualitative sont intimement liées, en ce que la première garantit (nécessité métaphysique) la seconde. Mais PII garantit la possibilité de faire référence à des objets individuels et le fondement de la relation d’identité numérique dans des faits qualitatifs. Le coût conceptuel de son abandon est donc élevé. Plutôt que de l’abandonner, il est concevable de se débarrasser de l’hypothèse de factorisation, et de traiter les facteurs individuels dans un produit tensoriel comme purement formels et dépourvus de toute interprétation physique (chapitre 5). On doit alors représenter les "propriétés individualisées" autrement, et utiliser des projecteurs totalement symétriques. Ces projecteurs, appliqués à l’ensemble du système, vont à leur tour individuer les particules de même type, dans la mesure où ils les doteront de propriétés distinctes et mutuellement exclusives, les rendant ainsi absolument discernables par leurs propriétés intrinsèques (c’est-à-dire non relationnelles) : les fermions (resp. bosons) seront toujours (resp. parfois, c’est-à-dire dans certains états seulement) discernables de cette manière (chapitre 6). Cependant, cette méthode alternative d’individuation n’est pas sans poser problème (chapitre 7), car il existe une certaine liberté dans le choix de ces projecteurs, ce qui conduit à une ambiguïté fondamentale dans l’individuation des objets quantiques. Bigaj propose des tentatives de solutions pour ces problèmes encore ouverts, et estime que l’hétérodoxie est une approche plus prometteuse que sa rivale. Enfin, le chapitre 8 fournit des analyses séparées de deux autres types de discours d’identité (diachronique et contrefactuelle) dans un contexte quantique. Il achève une tentative de métaphysique alternative, rivale de celle des non-individus. Le travail présenté par Bigaj ne constitue pas une lecture facile : une certaine familiarité avec le formalisme de la physique quantique est nécessaire pour aborder les chapitres les plus techniques. Cependant, malgré cet aspect formel, les chapitres sont toujours très clairs quant aux différentes questions étudiées, et l’auteur est toujours attentif à présenter les problèmes généraux et les principaux résultats de son travail de manière précise et accessible. En fin de compte, parce qu’il s’agit non seulement d’un aperçu exceptionnellement clair des travaux réalisés au cours des cinquante dernières années sur l’individualité en physique quantique, mais aussi d’un ouvrage préparatoire qui pose les bases d’une nouvelle métaphysique prometteuse des objets fondamentaux, cet ouvrage constitue une contribution très importante à la philosophie de la physique.

Y. P.

Anglais

The development of quantum physics has undermined some of the key metaphysical assumptions on which both our philosophical understanding of the world and the contemporary common-sense rest. In this book, Tomasz Bigaj lays the groundwork for the development of a new metaphysics of fundamental objects, distilled from the quantum theory of many particles. His efforts are mainly devoted to the collection of elementary physical facts related to the problem of identity and to the analysis of their correct physical and philosophical interpretation. In particular, he investigates the relationship between three fundamental ontological concepts: individuality, discernibility and identity. Such an investigation is furthered by the systematic analysis (formal and philosophical) and comparison of two rival methods of individuating quantum particles that constitute larger systems. The central problem concerns the fundamental objects described in quantum mechanics and whether one can individuate them and refer to one and not the other on the basis of their physical properties. The book thus revolves around a triple question: how do we manage to divide reality into separate entities of different kinds, what is numerical identity and distinctiveness (logical notions not to be confused with qualitative identity), and how does this relate to the possession of differentiating qualitative properties and relations? The book is divided into 8 chapters. Chapters 1-6 are devoted to the comprehensive presentation of two alternative readings of the mathematical apparatus used in many-particle quantum theory, called the orthodoxy (chapters 1-3) and the heterodoxy (chapters 5-6). They lead to two different metaphysical conclusions about the fundamental properties of quantum objects, their identities and individualities. The orthodox approach treats certain parts of the mathematical formalism, namely the indices attached to the factors in the tensor products of Hilbert spaces, as referring to the components of the composite system under consideration (an assumption called factorism). For the heterodox approach, on the other hand, the task of individuating the components of a composite system is not performed by labels, which have no physical meaning and are regarded only as identifying Hilbert spaces in the mathematical formalism. Rather, it is done by physically meaningful symmetric projectors that represent properties that differ for each individual component. Chapter 4 bridges the two different approaches to individuation by discussing the logic and metaphysics of discernibility in a standard model theoretical framework. Finally, Chapter 7 presents a comparison of the pros and cons of the two approaches, while Chapter 8 provides a glimpse of the non-classical and specific character of the new metaphysics emerging from heterodoxy. The main purpose of the introduction to this book (Chapter 1) and the second chapter is to provide a brief overview of the fundamentals of quantum formalism that are necessary to understand the debates on the problem of identity and individuality. Since particles of the same type (so-called indistinguishable particles in the philosophical literature) have exactly the same uniquely identifying properties, such as mass, electric charge and, in general, all of their state-independent properties, the quantum theory of many particles makes the following physical postulate called the indistinguishability postulate (IP): the joint state of many particles of the same type, differing only by the permutation of these particles, should be empirically indistinguishable (Chapter 2). In the orthodox approach, this postulate leads to two symmetry conditions on the formalism of quantum mechanics: the only states available to systems of many particles of the same type are symmetric or antisymmetric (symmetrisation postulate SP) (Chapter 3), and only symmetric observables are admissible as representations of physical properties. This leads to a discrepancy with the pragmatic application of quantum mechanics by physicists. First, when dealing with a small number of particles of the same type, they usually ignore SP and use states that are neither symmetric nor antisymmetric. Second, if the observable A represents the property [A] for a bipartite system of two indistinguishable particles, inductive arguments based on factorism suggest that the observables A⊗I and I⊗A represent the property [A] for each individual particle, and yet they are not symmetric operators. The aforementioned physical postulate and formal conditions, under the assumption of factorism, lead to a metaphysical consequence, the indiscernibility thesis (IT): particles of the same type are not only empirically indistinguishable, they are completely indiscernible (concept formally analysed in Chapter 4) with respect to all of their properties. This conclusion calls into question Leibniz’s principle PII, according to which numerical diversity and qualitative discernibility are intimately linked in that the former (as a matter of metaphysical necessity) guarantees the latter. But PII guaranteed the possibility of referring to individual objects and the grounding of the relation of numerical identity in qualitative facts. The conceptual cost of its abandonment is therefore high. Instead of abandoning it, it is conceivable to let go of factorism and to treat the individual factors in a tensor product as purely formal and devoid of any physical interpretation (Chapter 5). An alternative way of representing "individualised properties" is to use totally symmetric projectors. These projectors, applied to the whole system, will again individuate particles of the same type, in the sense of attributing to them different and mutually exclusive properties, thus making them absolutely discernible by their intrinsic (i.e. non-relational) properties: fermions (or bosons) will always (or sometimes, i.e. only in some states) be discernible in this way (Chapter 6). However, this alternative method of individuation is not without problems (Chapter 7), since there is a certain freedom in the choice of these projectors, which leads to a fundamental ambiguity in the individuation of quantum objects. Bigaj proposes some attempts to resolve these open issues and considers that heterodoxy is a more promising approach than its rival. Finally, Chapter 8 provides separate analyses for two other types of identity statements (diachronic and counterfactual) in the quantum domain. An attempt is made to provide an alternative metaphysics to that of non-individuals. The work presented by Bigaj is not easy to read: some familiarity with the formalism of quantum physics is required to cope with the most technical chapters. However, despite this formal aspect, the chapters are always very clear with regard to the various issues investigated, and the author is always careful to present the general problems and the main results of his efforts in an accessible way. In the end, this book makes an important contribution to the philosophy of physics, as it is not only an exceptionally clear overview of the work done in the last 50 years on individuality in quantum physics, but also a preliminary work that lays the foundations for a promising new metaphysics of fundamental objects.

Y. P.