La psychologie est-elle une science ?

Essai d’épistémologie critique

Envoyer le lien

Monographie

  • Pages : 253
  •  
  • Édition : Originale
  • Ville : Lyon
  •  
  • ISBN : 978-2-7297-1268-6
  • URL : Lien externe
  •  
  • Date de création : 29-04-2022
  • Dernière mise à jour : 21-06-2023

Résumé

Français

À quelles conditions et selon quel régimes de scientificité la psychologie peut-elle être considérée comme une science ? Inversement, quelle contribution spécifique la psychologie peut-elle apporter à l’épistémologie ? C’est à ces deux questions que P. Mercader entend répondre dans cet ouvrage issu de son expérience d’enseignante-chercheuse. L’essai intègre à cet égard un exposé pédagogique des principaux courants de l’épistémologie comme de l’histoire et de la sociologie des sciences, en même temps qu’il permet à son auteure de développer des thèses issues d’un travail réflexif sur sa propre discipline. C’est le cas, en particulier, de la thèse directrice de l’ouvrage, selon laquelle la clinique et la psychanalyse doivent être pensées selon un régime de scientificité distinct des modèles de l’épistémologie normative. Elles sont en effet fondées sur une reconnaissance de la subjectivité à l’œuvre dans toute activité théorique et impliquent à cet égard l’élaboration d’une « épistémologie critique » soucieuse de penser rigoureusement l’investissement subjectif qui anime toute entreprise de théorisation. Elles permettent en outre de concevoir la construction de l’objet étudié par les chercheurs dans les termes d’une « co-pensée » (p. 226) en partie inconsciente et caractérisée par des effets de transfert et de contre-transfert. Pour établir cette thèse, l’auteure commence par exposer la démarche de l’épistémologie normative afin de dégager des critères de scientificité à l’aune desquels évaluer la psychologie. La première partie s’intéresse négativement à « Ce que la science n’est pas » (p. 35-63), à savoir : ni un mythe (p. 39-47), ni une croyance (p. 49-55), ni une idéologie (p. 57-63) : ces entreprises théoriques se distinguent en effet de la démarche scientifique car elles en excluent les prémisses essentielles (rationalité des arguments, administration de preuves empiriques, tendance à l’objectivité du propos), bien qu’elles puissent s’avérer extrêmement fécondes au point de vue heuristique. La deuxième partie (« La science comme artisanat : le paradigme scientifique », p. 65-103), vise à examiner différents modèles épistémologiques, qu’ils soient exclusifs de la psychologie ou soucieux au contraire de définir un espace propre aux sciences humaines et sociales. Sont présentés successivement le critère popperien de réfutabilité (p. 69-78), la notion bachelardienne d’obstacle épistémologique (p. 79-81) et la contribution de J-C Passeron à la définition d’un espace non-popperien pour les sciences humaines et sociales (p. 83-94). À la fin de cette deuxième partie (p. 95-103), P. Mercader interroge la conformité de la psychologie aux critères ainsi dégagés, ce qui la mène à distinguer au sein de celle-ci des sous-disciplines dans lesquelles le paradigme scientifique s’applique (approches comportementalistes et expérimentales) et d’autres dans lesquelles il ne s’applique pas (psychologie clinique et psychanalyse). La suite de l’ouvrage emprunte alors la voie d’une épistémologie descriptive plus à même de donner droit à la scientificité de ces dernières approches. La troisième partie (« La théorisation comme art », p. 105-130) vise à mettre au jour, à partir d’une analogie avec la création artistique (p. 109-113), l’investissement subjectif qui caractérise toute entreprise théorique, y compris la recherche scientifique (p. 115-123). Cette analogie peut dès lors se révéler féconde pour envisager un régime de scientificité propre à la clinique, qui mobilise dans sa pratique et dans sa recherche une attention particulière à la subjectivité du patient comme à celle du praticien (p. 125-130). La quatrième partie (« la pensée comme passion », p. 131-159) étudie, à partir des outils conceptuels dispensés par la clinique psychanalytique, l’investissement libidinal de la pensée (p. 135-141) qui permet de comprendre dans sa genèse la formation d’un besoin de penser (p. 143-147). Cette perspective permet de thématiser la passion du chercheur et de l’artiste comme un surinvestissement de l’énigme ainsi construite (p. 149-152), et de reconnaître la subjectivité comme un instrument de recherche précieux, dès lors que celle-ci fait l’objet d’une élaboration réflexive visant à en restreindre les effets indésirables (p. 153-159). La cinquième partie (« La recherche comme pratique sociale », p. 161-223) adopte enfin le point de vue de l’histoire et de la sociologie des sciences pour insister sur le caractère social et politique de l’activité scientifique. Envisageant l’histoire des sciences dans une interaction constante entre internalisme et externalisme (p. 167-170), P. Mercader présente successivement le discontinuisme de Kuhn (p. 171-183), le constructionnisme de Foucault (p. 185-194) et la sociologie des sciences de Bruno Latour et d’Isabelle Stengers (p. 195-209). Elle revient alors une nouvelle fois sur la concurrence entre les approches comportementalistes et cliniques en psychologie, pour les envisager cette fois-ci au point de vue de la construction sociale de la discipline (p. 211-223). Les acquis précédents lui permettent à cet endroit de définir, pour la psychanalyse et la psychologie clinique, un « autre régime de scientificité » (p. 218) dont la principale caractéristique est d’être une « science du sujet », comme l’explicite la conclusion (p. 225-227). – Bibliographie, p. 129-247 ; Index des noms, p. 249-253.

M. F.