Risque et expertise

6e conférences Pierre Duhem

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Collectif

  • Pages : 104
  • Collection : Sciences : concepts et problèmes
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  • Support : Document imprimé
  • Format : 16*22 cm
  • Langues : Français
  • Édition : Originale
  • Ville : Besançon
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  • ISBN : 978-2-84867-614-2
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  • Date de création : 05-07-2018
  • Dernière mise à jour : 26-04-2022

Résumé

Français

Ce court ouvrage, issu des 6e conférences Pierre Duhem de la Société de Philosophie des Sciences (SPS), analyse l’expertise en contexte de risque, qui nécessite de prendre en compte les valeurs non-épistémiques en science. Dans un essai introductif (chapitre 1) Alexandre Guay montre les difficultés auxquelles est confronté l’expert pour maintenir sa crédibilité épistémique en contexte de risque. Dans un cadre idéalisé, il passe en revue différentes conceptions de l’expertise (qui, en tant que cas aigu de connaissance par témoignage, représente un défi pour la position internaliste en théorie de la connaissance) et du risque (notion polysémique et normative). Il montre que certains jugements d’expertise nécessitent non seulement une évaluation (à partir d’une norme préalablement établie) mais aussi une valorisation (établissement de la norme elle-même) qui menace la crédibilité de l’expert. Pour y remédier, ce dernier peut externaliser l’acte de valorisation, en faisant appel à des experts non scientifiques, en renvoyant la valorisation au demandeur d’expertise ou à la société, mais ces solutions se heurtent à des difficultés. Dans la première conférence (chapitre 2) Marc Fleurbaey montre qu’on peut préserver la rationalité et l’équité dans l’évaluation des situations sociales comportant du risque. S’agissant de la rationalité, il propose d’incorporer l’équité ex ante dans l’évaluation des conséquences finales – ce qui est possible, mais nécessite une méthode pour le faire de façon non arbitraire. S’agissant de l’équité, il préconise de restreindre l’application du principe de Pareto ex ante et de ne tenir compte de l’attitude de la population face au risque que dans les situations sans inégalités. Ceci pose la question de la possibilité de respecter les attitudes face au risque dans d’autres cas, et crée une tension entre le degré d’aversion à l’inégalité souhaité et la séparabilité. Au niveau pratique, la conférence souligne l’importance des corrélations entre les niveaux de bien-être des différentes catégories de la population. Dans ses commentaires, Mikaël Cozic demande s’il est justifié d’introduire des considérations d’équité dans l’évaluation sociale du risque ; discute la stratégie de re-description des options ; questionne la robustesse de l’unanimité non-spécieuse à l’apprentissage de l’état de la nature, et l’idée qu’un évaluateur impartial n’a pas les mêmes besoins informationnels que les individus ; interroge le concept d’utilité utilisé visé par Marc Fleurbaey ; et généralise son cadre en autorisant les individus à avoir des croyances non-probabilistes. Marc Fleurbaey répond par l’affirmative ; explique que l’affaiblissement du pouvoir des axiomes n’est une mauvaise nouvelle que pour le théoricien, pas pour l’éthicien ; explique que la première est utilisée pour sélectionner les cas où le principe de Pareto est acceptable, et la seconde pour identifier le cas où le principe de Pareto est le plus douteux ; étudie comment combiner des utilités « non Von Neumann-Morgenstern » avec l’évaluation dans le risque, ce qui conduit à des critères qualitativement proches des siens ; indique que l’absence de probabilité conduit à considérer d’autres critères que l’espérance d’utilité. Dans la seconde conférence (chapitre 3) Sven Ove Hansson propose un modèle pour concilier intégrité de la science et gestion politique du risque. Il définit la science en tant qu’elle nous fournit les informations les plus fiables actuellement sur le sujet couvert par les disciplines de la connaissance, et le corpus scientifique comme un répertoire collectif de croyances provisoirement fixées, nécessaire pour arriver à une représentation gérable du monde. La valeur de la science dépend de sa fiabilité, de sa fertilité et de son utilité pratique. L’entrée dans le corpus ne dépend pas que de la fiabilité, mais aussi de considérations pratiques. Les conditions d’entrée théoriques peuvent être trop ou pas assez strictes par rapport à nos objectifs pratiques, et être réajustées localement à la hausse ou à la baisse. Dans ce dernier cas, le contournement du corpus permet d’appliquer le principe de précaution tout en préservant l’intégrité de la science. Dans ses commentaires, Minh Ha-Duong explique que le rapport du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC) correspond au modèle de corpus scientifique de Hansson. Cependant, il n’y a pas de contournement mais une seule route pour constituer le dossier d’appui à la décision politique. La connaissance n’est pas transmise par un chemin unidirectionnel des données vers le politique, mais est co-construite. Les propositions sont caractérisées par des niveaux de confiance plutôt qu’une approche binaire admis/refusé dans le corpus. Dans ses commentaires, Emmanuel Henry demande si les disciplines scientifiques rassemblent effectivement l’ensemble des connaissances utiles à une société ou si les connaissances scientifiques ne représentent pas plutôt certains savoirs correspondant avant tout aux intérêts de groupes sociaux spécifiques, et dans quelle mesure le caractère biaisé des connaissances scientifiques ne remet pas en cause le modèle linéaire entre elles et la décision publique. Il souligne que l’importation dans la décision publique et la régulation des risques d’outils élaborés dans une optique de production de connaissances n’est pas a priori justifiée. Hansson répond à Ha-Duong que le caractère bayésien et l’absence de contournement du corpus du GIEC sont liés. Cependant, sa forme convient à son objectif, même s’il est légitime de se demander quel est son impact sur la compréhension et la prise de décision politiques. Hansson répond à Henry que nous avons besoin du concept normatif de science afin de disposer d’une référence idéale par rapport à laquelle analyser les écarts. Si l’intégrité de la science peut être préservée, elle reste la meilleure base factuelle disponible pour la prise de décision politique, sinon elle n’est que de peu d’utilité. – Bibliographie, p. 105-112 ; Biographies, p. 113-114.

Ph. S.