Histoires d’enquêtes

Londres, Paris, Chicago (1880-1930)

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Monographie

  • Pages : 510
  • Collection : Bibliothèque des sciences sociales
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  • Support : Document imprimé
  • Langues : Français
  • Édition : Originale
  • Ville : Paris
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  • ISBN : 978-2-8124-3014-5
  • URL : Lien externe
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  • Date de création : 02-11-2015
  • Dernière mise à jour : 29-04-2022

Résumé

Français

Ce livre est une enquête historique sur trois enquêtes sociologiques : celle dirigée par Charles Booth sur la pauvreté à Londres dans les années 1880 et 1890, celle de Maurice Halbwachs sur les loyers parisiens à la fin des années 1900, celle enfin qui se dessine dans les travaux de Robert E. Park et Ernest W. Burgess sur Chicago au milieu des années 1920. L'auteur, spécialiste de sociologie urbaine devenu historien des sciences sociales, y présente l'aboutissement d'une recherche de longue haleine dont certains résultats, publiés au cours des vingt-cinq dernières années, sont réunis, refondus et complétés dans un livre élégant et magistral. Celui-ci s'ouvre par une réflexion méthodologique qui fait la synthèse entre deux grands courants de réflexion sur l'histoire des sciences sociales nés vers les années 1980. Le premier est une critique de l'histoire « disciplinaire », c'est-à-dire du discours historique constitué sur elles-mêmes par les disciplines – celui-là même qui a conduit à construire par exemple l'image d'un Maurice Halbwachs père fondateur des études sur la mémoire, ou de « l'école » dite « de Chicago » de sociologie. Alors que cette généalogie auto-légitimante ne s'intéresse qu'aux écrits théoriques imprimés, puisque ceux-ci sont supposés représenter l'état le plus abouti de la science, Christian Topalov affirme fortement la nécessité de « sortir du tunnel » disciplinaire qui situe les œuvres dans une lignée plutôt que dans une époque, et pour cela « d'environner les œuvres avec des archives ». C'est dans les correspondances privées qui permettent « d'observer les savants hors du monde des professeurs », les papiers de travail et les documents des sociétés savantes qui éclairent les activités les plus quotidiennes de la science, que l'historien peut « reconstituer les questions qu'il doit présumer oubliées, de façon à ne pas les faire disparaître au profit des siennes ». La notion de «conversation», par laquelle l'auteur entend historiciser les discours et pratiques savantes à distance de l'histoire des idées comme de la notion de « champ » de Pierre Bourdieu, constitue sans doute un apport original de ce livre. C'est elle qui donne le titre de la première partie, dans laquelle Charles Booth est situé dans le milieu réformateur et philanthropique des élites sociales anglaises, Maurice Halbwachs dans celui des socialistes normaliens, et Park et Burgess dans l'université de Chicago. Le contexte des trois enquêtes étant posé, la suite du livre peut se lire comme une tentative pour adapter les principes des science studies à l'histoire des sciences sociales, afin de décrire sociologues et social scientists « en action ». Il s'agit de décrire, avec la précision d'un ethnologue, les différentes opérations intellectuelles et matérielles par lesquelles sont construits les « faits » scientifiques, en abordant ceux-ci dans leur matérialité : celle du livre, de la carte, de la série ou du graphique par exemple. C'est là l'objet de la deuxième partie du livre, intitulée «Observations», qui décrit notamment Halbwachs dans ses enquêtes de terrain, en rapprochant sa pratique des croquis et des photos de la tradition du voyage pittoresque. La troisième partie, « Démonstrations », porte sur la façon dont les faits, une fois constitués, se déploient dans une rhétorique scientifique destinée à convaincre, et dans le même temps à construire ou à confirmer l'existence d'un public des sciences sociales. Les choix théoriques des différents auteurs reflètent ici les valeurs de leur public : ainsi l'usage que fait Booth des chiffres, ignorant la nouvelle statistique de Bowley, témoigne de sa volonté d'être compréhensible des réformateurs philanthropes, de même que sa carte grand format de la pauvreté inscrit son effort dans la tradition des expositions universelles de la fin du XIXe siècle. Les trois enquêtes, quoique présentées dans l'ordre chronologique, ne sont pas insérées dans un récit édifiant sur l'évolution des sciences sociales, mais plutôt dans une géographie comparée de Londres, Paris et Chicago. Cet ouvrage érudit, accompagné de riches annexes et références bibliographiques, présente une histoire sociale et intellectuelle des sciences sociales dans laquelle il n'est question ni de progrès, ni de la cumulativité des sciences, mais où les sciences sont inscrites dans leur époque et dans leur terrain d'observation. – Abréviations, pp. 9-10 ; Introduction, pp. 11-47 ; Annexe I : « Les archives consultées », pp. 415-417 ; Annexe II : « Archives : références », pp. 419-422 ; Annexe III : « Les catégories de Booth », pp. 423-425 ; Annexe IV : « Quatre polygraphes et l’exploration sociale de Londres », pp. 427-431 ; Annexe V : «Inventaire des projets de recherche du département de sociologie dans le cadre du programme du Local Community Research Committee», pp. 433-438 ; Annexe VI : « Notes d’Harvey Zorbaugh : un entretien manqué avec une femme de la Gold Coast », pp. 439-440 ; Références bibliographiques, pp. 441-488 ; Index des personnes, pp. 489-495 ; Index des institutions, pp. 497-501 ; Table des illustrations, pp. 503-505 ; Table des matières, pp. 507-510.

J. V.