La Force du social

Enquête philosophique sur la sociologie des pratiques de Pierre Bourdieu

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Monographie

  • Pages : 457
  • Collection : Passages
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  • Support : Document imprimé
  • Format : 24 cm.
  • Langues : Français
  • Édition : Originale
  • Ville : Paris
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  • ISBN : 978-2-204-09598-3
  • ISSN : 0298-9972
  • URL : Lien externe
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  • Date de création : 26-01-2015
  • Dernière mise à jour : 20-04-2021

Résumé

Français

La sociologie des pratiques n'est pas directement constituable. Elle suppose une entreprise critique et réflexive sur la démarche sociologique elle-même. Reprendre le projet kantien d'une critique de la raison, mais dans le cadre d'une sociologie des pratiques de connaissance, c'est donc mettre au jour les conditions sociales de possibilité de son usage critique. Une telle sociologie suppose la prise en compte du corps, dans sa dimension sociale et individuelle, comme substrat effectif de la faculté de connaissance positive. La sociologie critique se définit ainsi comme l'entreprise de réflexion qui vise à dégager la genèse empirique de l'instance qui rend possible la connaissance d'objets ainsi que les présupposés qui soutiennent la pratique d'un type social de sujet connaissant : le sujet savant. Dès lors il s'agit d'objectiver un objet bien particulier : le sujet connaissant en tant qu'il est engagé dans un ensemble de pratiques savantes qui déterminent une position sociale spécifique, la position scolastique, et une posture, la mise à distance (épochè). La sociologie première, selon Bourdieu, doit prendre ainsi la forme d'une théorie de la pratique théorique qui décrit la construction de la relation sujet/objet comme instauration d'un point de vue. Elle exhibe les conditions sociales à partir desquelles un point de vue distancié est rendu possible. Une telle entreprise, nous montre Claude Gautier, n'est pas d'abord épistémologique ni méthodologique, mais bien sociologique, car elle montre que les justifications épistémologiques et les critères méthodologiques de l'enquête procèdent de pratiques qui s'inscrivent dans des champs sociaux différenciés faits de rapports de forces et de conflits d'intérêts. Une distance est alors nécessaire non seulement à l'égard des préjugés communs, mais aussi des préjugés savants. L'objectivité de la sociologie première n'est donc possible qu'à la seule condition d'objectiver le modus operandi de la pratique théorique, c'est-à-dire d'objectiver l'objectivation savante elle-même. Dès lors le problème critique, transposé à l'échelle de la sociologie critique, devient celui de savoir quelles sont les conditions sociales qui font que des objets sont connus. Autrement dit le problème est de savoir comment l'épochè, c'est-à-dire la distance instituée comme condition d'observation, est devenue socialement possible et donc théoriquement pensable. La sociologie première a ainsi pour objet la pratique, qui est lieu de rencontre de l'individuel et du social. Dès lors, saisir la force du social, c'est comprendre les mécanismes qui déterminent l'action agissante, celle-ci étant : 1° située dans l'interstice de l'individuel (dispositions structurées) et du social (dispositif structurant) ; 2° médiatisée par des schèmes d'action et de pensée (procédés opératoires mis en oeuvre par les individus) 3° automatisée dans des habitus (systèmes de dispositions durables intériorisés par les individus). L'habitus est ainsi le concept qui permet de penser la discontinuité entre l'individuel et le social, car il permet de décrire le lieu de leur mise en relation, c'est-à-dire d'une histoire où se joue une dialectique qui interdit toute représentation univoque d'une liaison causale stricte. Il permet aussi de définir une position épistémique originale dépassant l'illusion objectiviste (qui met toute la force de détermination du côté du social) et subjectiviste (qui met cette force entièrement du côté de l'individu). Dès lors saisir la logique de la pratique, c'est se donner pour objectif de comprendre comment des règles devenues communes (sous l'effet d'une généralisation) en viennent à être perçues et suivies comme des principes sociaux d'obligation, c'est-à-dire des normes induisant des conduites obéissantes, agissant donc comme des forces sociales contraignantes, puisqu'elles exercent un pouvoir sur la modalité et le contenu de l'action des agents sociaux. C'est donc l'étude de la relation entre les usages de la règle et les institutions qui la produisent qui doit permettre d'élucider l'exercice de ce pouvoir.

F. F.