La théorie de la connaissance de Durkheim. Un aspect négligé de son œuvre

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Article

    • Pages : 41 à 99
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    • ISBN : 978-2-7132-2152-1
    • ISSN : 1629-7121
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    • Date de création : 04-01-2011
    • Dernière mise à jour : 21-02-2015

    Résumé

    Français

    Ce texte est d’abord paru sous le titre original : «Durkheim’s epistemology; the neglected argument», American Journal of Sociology (AJS), 102 (2), 1996, pp. 430-482. – Pour les socio-constructivistes, une sociologie de la connaissance qui établit une relation indéterminée entre la pensée et la réalité est la meilleure théorie de la connaissance que l’on soit en mesure d’espérer. Selon eux, le sentiment que nous pouvons éprouver d’une relation empiriquement valide entre pensée et réalité n’est jamais que le résultat d’un consensus qui découle de croyances partagées, de la structure sociale ou de pratiques communes. La position de Durkheim est totalement différente. Dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse, il défend l’idée que, si les catégories de l’entendement ne sont pas données a priori aux humains, elles ne sont pas pour autant générées par leurs croyances collectives ou leurs consensus : elles naissent dans l’accomplissement de pratiques rituelles. C’est ce qui leur confère une validité empirique très supérieure à la validité de n’importe quelle perception individuelle. Le présent article s’interroge sur les raisons pour lesquelles cette théorie socio-empiriste de la connaissance de Durkheim a été d’emblée si mal comprise et si vite confondue avec sa sociologie de la connaissance dont la perspective est, elle, effectivement, socio-constructiviste. Il examine les conséquences profondes que pourrait avoir pour la recherche sociologique, aussi bien que pour l’avenir de la philosophie, une redécouverte de cette théorie négligée, dont le parti est de ne placer le centre de gravité de la cognition humaine ni dans les capacités biologiques de l’acteur individuel, ni dans un quelconque «esprit du groupe». – [Traduction de l’anglais par Manuel Benguigui, Michel de Fornel et Cyril Lemieux].

    Anglais

    For social constructivists, a sociology of knowledge that establishes an undetermined relation between thought and reality is the best theory of knowledge that can reasonably be hoped for. They consider that our sentiment of a legitimate relation between thought and reality is only the result of a consensus that follows from shared beliefs of social structure or common practices. Durkheim’s position is totally different. In Elementary forms of religious life, he defends the idea that categories of understanding are not given a priori to humans. They are not for all that produced by collective beliefs or consensus : they are born through ritual practices. This gives them an empirical legitimacy that is far superior to the legitimacy of any other individual perception. The present article questions the reasons why Durkheim’s socio-empiricist theory of knowledge was so misunderstood and so rapidly confused with his sociology of knowledge whose perspective is indeed socio-constructivist. It examines the far reaching consequences for sociological research as well as for the future of philosophy of rediscovering this neglected theory, which places the centre of gravity of human cognition neither in the individual’s biological capacities nor in some «group spirit».